La chouette aveugle

Sadegh Hedayat

Corti
1991

Chef d'œuvre absolu paru en 1941, livre fondateur puisque Hedayat est l'écrivain qui a introduit la prose en Iran, la littérature persane étant jusqu'alors dominée par la poésie. Ce magnifique récit qui fit scandale dès sa parution, fut admiré par les surréalistes, André Breton et Henry Miller.

Un homme, drogué par l'opium et le vin, parle à la première personne et nous livre son mal-être : retranché dans sa chambre, il entrevoit le paradis en apercevant l'image d'une femme vaporeuse le long d'un ruisseau, qui tend une capucine à un vieillard, assis sous un cyprès. La femme idéale revient un soir chez l'homme mais il découvre peu à peu qu'elle est morte ; alors, il immortalise son visage sur un vase ; un homme sur sa carriole l'emmène lui et le cadavre, dans un champ de capucines violettes, le long de maisons grises, dépourvues de vitres. L'homme lui offre un vase de Rhagès, où est dessiné le visage de la femme.

A des centaines d'années d'intervalle, la même femme a-t-elle existé? Un dessinateur a-t-il fait le portrait de la même femme ? Hallucination ? Réincarnation ?

Récit d'une vie ? Rêve ? Hedayat joue sur les répétitions, les parallélismes. Ce récit est une ode à la femme : ombre évanescente rêvée, mégère qui se donne à tous les hommes et rend son mari fou, mère danseuse indienne qui choisit son promis avec l'aide d'un naja. A plusieurs reprises, l'image de la mandragore est mentionnée.

Les mêmes motifs, les mêmes images reviennent, faisant de ce récit un chant poétique : Je vois dans ce chef d'œuvre à la fois une ode à la culture persane qui célèbre la femme, le vin et l'opium et un récit extrêmement moderne : le monologue d'un être au bord de la folie, pour qui la mort n'est même plus un échappatoire.

Le lecteur s'enivre lui même, est happé par cet étrange récit, à la fois conte surnaturel et récit naturaliste sordide.

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