J’ai découvert Elif Shafak, auteure turque, en 2009. Dans l’avion qui me ramenait de Turquie, j’avais lu un entretien où elle parlait de «Lait noir», ce roman autobiographique, qu’elle avait écrit après sa maternité....

Lait noir

Phébus
2009

Dans ce livre, elle nous montre toutes les difficultés pour une femme, de concilier la création littéraire et la maternité. Ce livre s’adresse à toutes les femmes car il traite de la dépression post-natale. Pour ce faire, elle a utilisé une technique romanesque qu’on retrouve dans «La bâtarde d’Istanbul». Elle fait intervenir des djinns qui canalisent les différentes voix intérieures de la narratrice de «Lait noir». Il y a Miss Cyique intello, miss Ego ambition, Dame Gâteau, Dame Derviche…Elles sont nombreuses et parfois se font la guerre.

Retrouvez ce roman dans les Médiathèques d'Antony

Soufi mon amour

Phébus
2010

L’année suivante, paraissait «Soufi mon amour». Quelle chance j’avais de pouvoir lire un autre livre d’Elif Shafak! A travers le portrait d’Ella, américaine de quarante ans, mariée, trois enfants, Elif Shafak aborde le soufisme. Lectrice chez un éditeur Ella reçoit un manuscrit : «Doux blasphème». Il se déroule au XIIIe siècle et raconte la rencontre du soufi Rûmi avec le derviche errant Sham de Tabriz. S’ensuit une double narration. On passe du monde contemporain au XIIIè siècle.

Ella est le fil conducteur mais le cœur du roman est le soufisme. Le XIIIè siècle est extrêmement violent avec l’invasion des Mongols. Elif Shafak nous montre combien l’attachement de Rûmi et de Sham bouleverse leur entourage et suscite violence et jalousie.

A travers ce roman, Elif Shafak nous offre la vision d’un Islam tolérant, très loin de l’intégrisme. Le XIIIe siècle est un peu le miroir de notre époque avec la confrontation de l’Orient et de l’Occident. Dès cette époque, le soufisme fut mal vu des tenants de la sharia. C’est un courant mystique de l’Islam qui prône l’amour. L’ennemi est à l’intérieur de soi, c’est l’ego qu’il faut tuer.

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La bâtarde d’Istanbul

Phébus
2007

Et puis cet été, grâce à une collègue enthousiaste, je lis « La bâtarde d’Istanbul » paru en 2007. Armanoush, fille d’un couple américano-arménien, part secrètement à Istanbul à la recherche de ses racines. Rose, la mère d’Armanoush, divorcée de son mari arménien, s’est remariée avec un Turc, pour ennuyer son ex-belle famille. Armanoush va donc chez la famille de son beau-père. Là elle fait la connaissance d’Asya, la « bâtarde ». Cette jeune femme turque vit au sein d’un gynécée entre ses tantes et sa mère. Elle ne connaît pas son père. A travers la généalogie complexe de ces deux jeunes filles, Elif Shafak aborde le génocide arménien. La Turquie moderne, fondée par Mustapha Kemal en 1923, considère que le génocide s’est déroulé pendant l’empire ottoman démantelé en 1918. Voilà pourquoi l’Etat turc actuel ne reconnaît pas le génocide arménien.

De façon pudique et grave Elif Shafak aborde ce moment douloureux de l’histoire aménienne.. Elle montre qu’au delà des différences religieuses, les façons de vivre sont identiques.

En tant qu’auteure turque elle a été traduite en justice par les autorités de son pays. Le soutien international a permis la relaxe.

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Portrait de l’auteure

Elif Shafak, née en 1971, est l’un des écrivains turcs les plus en vue. Elle a longtemps vécu à l’étranger et travaille désormais entre Istanbul et l’Arizona comme auteure, chroniqueuse et professeure d’université. L’héritage cosmopolite de son pays, les droits des femmes ainsi que la coexistence de l’Islam et des valeurs démocratiques occidentales sont au centre de ses écrits. Elif Shafak écrit dans deux langues, turc et anglais. Pour elle l’écrivain est là pour jeter des ponts entre les cultures.

Ce qui fait le charme de la lecture d’Elif Shafak, c’est l’incursion dans une trame romanesque classique d’éléments du conte oriental tel les djinns. On prend plaisir à passer ainsi dans un autre espace-temps.

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