Rencontre le 24 janvier avec Bernadette Bensaude-Vincent

Conférence et débat sur la biologie de synthèse : technique et éthique ?

Vous étiez une vingtaine à braver les éléments ce samedi 24 janvier pour venir écouter la Pr. Bernadette Bensaude-Vincent et débattre avec elle. Son exposé à la croisée des sciences et de la philosophie était d’une grande clarté, d’une grande simplicité pour parler d’un sujet complexe. De quoi passionner les non-scientifiques et les non-philosophes tout en leur donnant des éléments scientifiques et philosophiques pour mieux comprendre et mieux débattre !

Bernadette Bensaude-Vincent a fait l’ENS de Fontenay-aux-Roses puis un brillant parcours universitaire en philosophie et dirige le, un laboratoire de recherches à la croisée des sciences et de la philosophie. S’y rencontrent des scientifiques, des sociologues, des philosophes…. . « Il y a une grande qualité d’écoute entre nous », nous a-t’elle confié.

Elle a écrit et participé à de nombreux ouvrages à la croisée des sciences et de la philosophie, de l’épistémologie. Les plus récents concernant l’opinion publique et la science et la biologie de synthèse, ce dernier avec Dorothée Benoît-Browaeys que nous avions reçue pour parler des nanotechnologies et avec laquelle elle participe à l’association Vivagora pour débattre, grand public et scientifiques, autour de ces sujets sensibles.

Depuis les années 1970, avec la possibilité de la recombinaison de l’ADN, on s’est aperçu que l’on pouvait changer l’alphabet de la vie, c’est –à-dire les séquences de protéines fabriquées par notre ADN, représentées par les lettres A, T, C et G. Fondant de grands espoirs sur le génie génétique, on a investi dans cette branche de la recherche en se mettant à séquencer le génome. Dans les années 1990 furent mises en place des plateformes de séquençage plus performantes, nous faisant passer à la « biologie à haut débit » : il fallait d’une part rentabiliser ces énormes machines onéreuses, et d’autre part, « on expérimente car on peut le faire ». Cette révolution technologie a occasionné la chute des prix du séquençage.

A quoi cela peut-il nous servir ? Par exemple à voir les prédispositions aux maladies mais attention, c’est de la probabilité, pas de la prédiction !!

La plateforme de séquençage lit…et écrit !! Le code génétique est l’alphabet de la vie, si on sait le lire, on peut l’écrire, donc nous pouvons reprogrammer le texte : écrire le vivant. Des simulations, on passe au labo faire la synthèse du nouveau génome.

On fabrique, comme au MIT, des Biobricks ou briques biologiques. Comme des Lego, on peut assembler des biobriques en modules, puis des modules en systèmes. Puis…nous nous approchons, dirons certains, de la SF, mais cela devient de l’actualité avec le livre de George Church. En 2010, Craig Venter a préféré faire un génome minimal, sorte de châssis de Meccano. Mais un système qui se reproduit, s’auto-répare, …

Donc voici de multiples bienfaits en perspectives, tant théoriques pour faire reculer les limites du savoir que pratiques : augmenter l’humain, fabriquer des médicaments, des biocarburants et tant d’autres mais également des risques, des impacts financiers non négligeables, des impacts sur la nature et l’humanité encore plus importants : il faut absolument en discuter ! La biologie de synthèse pose d’énormes problèmes éthiques et sociaux, sans pouvoir diffuser largement des connaissances qui pourraient être utilisées par le bioterrorisme.

Car on ne joue pas avec le vivant : les antibiotiques ont été la grande conquête du XXe mais ont généré un fléau pour la santé humaine et animale, pour l’élevage: l’antibiorésistance. Des bactéries plus fortes, plus résistantes ne sont plus nos partenaires mais nos ennemies. Et pour éviter une défaite, il vaudrait mieux ne pas leur déclarer la guerre. Faudrait-il plaider pour une reconnaissance des bactéries en tant qu’entités morales ? Il n’existe pas de défenseur des microbes. Si les dignitaires religieux sont contre les cellules-souches, ils ne voient aucun inconvénient à la biologie de synthèse. Dans tous les cas, il y a de quoi se poser des questions et s’emparer du débat.

D’autant que nous tombons dans un paradoxe avec ce très fort engouement pour la génomique, la biologie de garage, l’ADN, alors que l’épigénétique - l’énorme impact des facteurs environnementaux externes - fait ces dernières années l’objet d’importants investissements.


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  1. Lien croisé

    Anonyme
    Mardi 10/03/2015 à 17:45

    Site des médiathèques d'Antony : "ues d'Antony, la librairie La Passerelle l'Espace Jeunes (le «11») et le cinéma Le Sélect proposent au...jeudi 5 mars 2015 15:37"