Au lycée, Tsukuru (on prononcera « tsoukourou tadzaki ») avait quatre amis. Ils étaient inséparables. Alors qu’il était parti poursuivre ses études à Tokyo, ses amis l'ont appelé pour l'informer qu'il était chassé de leur cercle, sans plus d'explication….
Ce treizième roman de Murakami est peut-être le plus accessible et je l’ai trouvé extrêmement sensible et poétique. Dans ce récit à la troisième personne, le ton alterne entre nostalgie et gravité mais toujours avec une infinie tendresse pour ses personnages. L'histoire oscille du passé au présent. Nous suivons Tsukuru du Japon à la Finlande, au long d'une enquête riche en symbolisme, entre mystères et émotions, à la recherche d'une renaissance au-delà des faiblesses humaines.
Publié au Japon en 2013, il s'y est vendu à plus d’un million d'exemplaires et a bénéficié d’un succès et d’un retentissement que l’on a seulement vu en Occident pour Harry Potter. Traduit en plus de 20 langues, sa version française a paru en septembre 2014 et fait partie des 10 meilleurs titres étrangers de la rentrée littéraire de septembre, selon de nombreux critiques.
En savoir +
Selon l’auteur, ce devait être « une histoire courte », terminée en février 2011 mais après la triple catastrophe de mars 2011, « elle est naturellement devenue longue » et s'est finalement développée en un roman contemporain de 19 chapitres. De ce retour à la veine réaliste, le titre fait référence à l'œuvre musicale Années de pèlerinage de Liszt, mais aussi au dernier stade du roman de formation selon la trilogie classique de Goethe(stade où le personnage doit assumer sa maturité et accepter des sacrifices), une œuvre également à l'origine du titre de Franz Liszt. Et l’enregistrement mentionné dans le roman a connu, grâce au roman, un regain de succès inattendu.
Selon plusieurs critiques, Murakami y évoque obliquement, à travers les épreuves de son protagoniste, un symbole des deux années noires japonaises 1995 et 2011 avec le séisme de Kobe et l'attentat chimique de Tokyo puis le séisme du Tōhoku, son tsunami, et l'accident nucléaire de Fukushima; il donnerait ainsi un message d'encouragement au Japon.
Il me faut donner quelques précisions quant aux noms des personnages. Si Maylis de Kérangal nous parlait d’onomastique abusive, Murakami utilise l’onomastique japonaise pour camper ses personnages :
Tsukuru Tazaki (construire / archipel) l'incolore qui s'occupe de gares, Kei Akamatsu (pin rouge) son ex-ami surnommé « Rouge » (Aka) qui vend des formations, Yoshio Ômi (lac bleu), son ex-ami surnommé « Bleu » (Ao ) qui vend des voitures, Yuzuki Shirane (racine blanche) à son ex-amie surnommée « Blanche » (Shiro) qui vivait du piano , Eri Kurono-Haatainen (prairie noire), son ex-amie surnommée « Noire » (Kuro) qui vit de la poterie, Fumiaki Haida (marais gris), son jeune ami de fac qui s'est évaporé , Midorikawa (fleuve vert) un pianiste de jazz qui a reçu d'autres dons.
Et vous trouverez une foule de symboles avec des Années de pèlerinage, des trains, un talisman, un sixième doigt... J’ai énormément apprécié certains personnages secondaires : le père de Haida - un professeur d'université qui travailla l’été dans une auberge-, le chef de gare qui trouva un bocal contenant deux sixièmes doigts dans du formol -, Sakamoto le collègue passionné de génétique,
Mon plaisir de lectrice a été confirmé par un éminent professeur de l’université Waseda, Norihiro Kato, spécialiste de Murakami : d’après lui, ce roman est un tournant ambitieux dans l’œuvre de l’auteur où il passe de « romancier du détachement » à « romancier de l’engagement ».
Retrouvez ce livre dans les médiathèques d'Antony
Mots-clés Roman, Prix des médiathèques d’Antony 2015