Samedi 23 mai 2015 à la médiathèque Anne Fontaine avait lieu un café société des plus intéressants : autour du livre « La Tunisie entre révolution et islamisme » d’Emna Belhaj Yahia. Le café était animé par « Rencontres et Débats autrement ».

Après un démarrage timide où la voix faible traduisait l’émotion, Emna pris son envol. Durant trente minutes, elle parla de son livre, de son vécu, de ses interrogations. Emna est philosophe de formation et cela se sent. Elle suspend son jugement, ce qui est le propre de la formation philosophique. Elle ne cesse de s’interroger. Mais, en complément du discours philosophique, elle ancre son questionnement dans son propre vécu et c’est ce qui rend son témoignage si attachant.

Pour Emna, ce qui manque en Tunisie aujourd’hui, c’est la culture. Le politique domine avec un mode de fonctionnement archaïque. La parole est bridée. Le silence règne dans toutes les dimensions de l’existence. Ce que la révolution a changé, c’est qu’elle a libéré un espace de parole, tout le monde peut s’exprimer, y compris les partis politiques très nombreux aujourd’hui. Mais ils agissent de façon morcelée et anarchique. Pour comprendre ce qui se passe en Tunisie, il est important de connaître son peuple qui s’autocensure, qui bride sa parole, surtout dans sa vie quotidienne. Et ce, pour une bonne raison : il n’y a pas d’éducation à la prise de parole et à la conscience de soi dans le système éducatif tunisien.

Aujourd’hui en Tunisie, la dictature est encore inscrite au plus profond de l’être et la révolution n’a pas réussi à éliminer cette empreinte. L’approche actuelle est identitaire. Tout le monde doit vivre et penser de façon identique. Comment arriver à se déconstruire pour se reconstruire dans un tel environnement ? La liberté fait peur. C’est pourquoi l’impression dominante, après quatre ans, est la sensation d’un retour en arrière.

Après son intervention très appréciée, les questions et témoignages furent nombreux. Certains très émouvants, comme celui de cette tunisienne vivant en France qui nous a parlé de sa Tunisie, celle d’il y a trente ans, plus tolérante, fruit de la conquête des femmes.

Ou cette autre femme, tunisienne émigrée elle aussi qui s’étonnait du vote massif des tunisiens français pour un régime islamiste totalitaire. Ou ces enseignantes qui mettaient en doute la valeur de l’enseignement et de l’instruction comme moyen efficace de sortir de l’obscurantisme. Qu’en est-il de l’enseignement en France ? Est-il plus satisfaisant ? Evite-t-il la montée de l’islamisme en France ?

Mais les femmes sont là pour défendre les acquis. Et il se passe des choses, un questionnement auprès des élèves dans les écoles…Alors il faut garder l’espoir.

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