Le bruit de nos pas

Ronit Matalon

Stock 
2012 

Le bruit de nos pas… le titre du livre a immédiatement retenu mon attention.

Dans notre société du despotisme de l’image, une référence à l’univers sonore, pour moi qui suis musicienne, m’attirait d’emblée.

Je ne connaissais pas l’auteure, très connue pourtant en Israël, et pour cause, c’est là son premier traduit en français.

La puissance d’évocation de l’univers de cette famille juive-séfarade, partie d’Egypte pour s’installer dans un quartier pauvre des faubourgs de Petah Tikvah, aux environs de Tel-Aviv, m’a littéralement transportée.

Style, construction du récit

Un style inouï, une écriture à la fois fluide et dense, incroyablement riche, fine, contrastée et pourtant homogène où images et sons trouvent un accord parfait. Une construction du récit originale, gravitant autour de courts chapitres parfois réduits à une seule et unique phrase, tel un haïku. Des chapitres qui s’enchaînent les uns aux autres soit en échos ou variations, soit sous forme de leitmotiv. Le journal du père, activiste politique et éternel absent, les extraits de « La dame aux camélias », la visite à la place Saint Marc de Venise ponctuent ainsi le récit et lui donnent un relief particulier.

Le personnage principal : la Maison

Et puis il y a un véritable art de la métaphore comme cette extraordinaire description de la « baraque », la maison de la famille, qui vit et se transforme constamment selon la fantaisie de La mère, métaphore de cette culture des juifs orientaux qui survit dans un milieu hostile et ne cesse d’évoluer en dépit des tensions extérieures et intérieures qui la malmènent.

Le style

Cela faisait longtemps que je n’avais pas été emballée comme cela par le style d’un écrivain et par la qualité d’une traduction. Rien d’étonnant : la traductrice n’est autre que Rosie Pinhas-Delpuech qui a traduit des écrivains célèbres comme David Grossman, Yehoshua Kenaz, Orly Castel-Bloom, Itzhaz Orpaz, Etgar Keret…

Un récit autobiographique

Mais revenons à l’histoire, la petite qui rejoint la grande, celle du sort réservé aux juifs orientaux en Israël. El là, Ronit Matalon sait de quoi elle parle. Ce récit est en effet largement autobiographique.

Née en 1959 à Ganei-Tikva en Israël, de parents issus de la bourgeoisie cosmopolite du Caire et qui ont émigré en 1949 en Israël, Ronit Matalon a grandi dans un quartier pauvre des environs de Tel-Aviv et a pu réaliser son rêve de devenir écrivain grâce à son « professeur de bible » et à la ténacité de sa mère puis grâce à une maladie qui la dispensa de service militaire et l’obligea à rester alitée plusieurs mois !

Comme sa mère, le personnage central du récit « La mère » fait des ménages, le père est engagé politiquement (ce sont des extraits du journal de son père qui sont retranscrits dans le livre), et puis il y a l’Enfant qui ne porte pas de nom mais observe avec acuité le monde qui l’entoure… à l’instar de l’auteure.

Cette qualité d’observation Ronit Matalon la cultive. Son amour des livres n’a d’égal que son amour pour la photographie et le cinéma. Elle est journaliste au journal « Haaretz » dont elle a été la correspondante à Gaza et en Cisjordanie pendant la première Intifada et la télévision et enseigne l’écriture de scénarios à l’Ecole de cinéma Sam-Spiegel de Jérusalem.

Un livre magnifique et profond sur l’exil.

Retrouvez ce roman dans les médiathèques d'Antony


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