Retour sur le Café littéraire spécial "Printemps des Poètes"

du Vendredi 16 mars 2012 agrémenté de quelques textes de l'atelier d'écriture "Poésie et forme courte"

Le vendredi 16 Mars 2012 à 17h30 avait lieu un café littéraire spécial « Printemps des poètes ». Une ambiance bon enfant et joyeuse dominait qui n’était pas seulement due au thème de cette année « Enfances » mais à la présence des participants à l’atelier d’écriture de la médiathèque Anne Fontaine.

En effet, ce café était l’occasion rêvée d’offrir à nos adhérents un bouquet de poésies écrites par de grands poètes tels Albert Cohen, Victor Hugo, Prévert ou René de Obalda mais également par les membres de l’atelier d’écriture où écrivains confirmés et écrivains en herbe avaient vécu une expérience créatrice particulièrement enrichissante tant sur le plan littéraire que sur le plan humain. Annick Dherbecourt, avec son énergie et son enthousiasme communicatif pour toutes les formes de poésies a magistralement orchestré cet atelier ou chacun a joué sa partition avec bonheur sans jugement ni contrainte.
 
 
Rendez-vous est pris pour l’année prochaine. Tous à vos plumes, vos crayons, vos claviers d’ordinateur, vous êtes les bienvenus !
 
N.B. Les ateliers ont lieu une fois par mois en dehors des vacances scolaires le mardi de 19heures à 21 heures dans la salle polyvalente de la médiathèque Anne Fontaine

Quelques textes

L’inventaire
 
Mépriser le temps du travail
 
Se moquer du train train de vie en buvant une tasse de thé à la terrasse par une journée ensoleillée
 
Se réconcilier avec le temps volé
 
Chercher la bride du temps et ne pas la relâcher dans la nature
 
Réciter à haute voix mes mots méritants d’être répétés
 
Un tête à tête avec mon livre préféré, mes amis intimes des temps de malheur,
 
mon crayon, mon papier et mes souvenirs.
 
Dessiner les silhouettes des fleurs
 
Découvrir des forteresses de sentiments en cherchant dans les falaises de bonheur
 
Reconnaître ses erreurs
 
Arroser nos sentiments par une pluie de temps libre
 
Observer cette pluie sur les vitres transparentes de vacances
 
Réalimenter nos pensées par ces valeurs ajoutées sans arrière-goût ni prépensée
 
Inverser le monde, mettre les chemises à l’envers en se surprenant que rien ne ce soit passé sauf à avoir été ridiculisée par des gens possédant des idées-reçues
 
Rincer nos idées sombres dans la source de la logique
 
Accompagner les mots par nos yeux assoiffés sur les pages de nos livres préférés
 
Tendre la main
 
Admirer un temps de repos en mettant en retrait les angoisses quotidiennes
 
Immobiliser nos pensées à un instant de bonheur
 
Immuniser nos pensées des richesses éphémères
 
Détoxiquer ces poissons d’angoisse nageant dans nos cerveaux océans
 
Ne plus nous culpabiliser de louer un temps à soi
 
Chadine
 
 
 
 
Ma mère
 
 
Je voudrais parler de ma mère, une femme pleine de contradictions : une femme que j’aime et que je déteste à la fois.
Forte et fragile, dure mais sensible, autoritaire mais consacrée à son fils. Elle est l’hiver et l’été ou l’automne et le printemps à la fois.
Femme de grande beauté remarquée par mes camarades et par les hommes, j’étais et je suis toujours fier d’elle. Femme au corps et au visage de reine.
Je l’aimais et je l’aime toujours pour sa distinction, sa classe, sa vivacité d’esprit, sa répartie. J’aime et je déteste nos disputes, nos querelles. Parfois je la hais mais la haine n’est pas le contraire de l’amour c’est l’indifférence et elle ne m’est pas indifférente.
Je ne sais pas si une autre femme pourra la remplacer dans ma vie. Je la voie comme Athéna déesse de la guerre. Elle représente Athènes une ville libre et dirige son foyer d’une main de maître face à mon père plutôt passif.
Elle est comme une amazone libre, autoritaire, masculine dans ses traits de caractère et féminine dans son allure.
Elle dégage une autorité naturelle, elle est svelte, élancée et elle vous scrute avec de grands yeux verts en amandes.
Elle est une femme d’exception et si je la perdais je sais que son absence serais immense.
Sa maladie le cancer m’a fait rendre compte que son éventuelle disparition serait pour moi un océan de vide.
Maman femme que j’ai aimé le premier. Seule femme que je crois avoir aimé.
Voici ma mère
 
Jean Marie
 
 
 
Elle incarne un tout en arpèges
L’hier, l’avant-hier et le lendemain prometteur
Elle balise les temps de conjugaison
Me subjugue de ses indications passé présent
De ses conditionnels aux deux formes
De ses «  soit », de ses « eusse » ou tout autre forme d’ailleurs
Elle m’a emmenée loin dans mon futur
En me soignant de ses caresses vocales
En m’inondant de ses palabres d’antan
Elle a scotché en moi des traces de son passé
Où se sont nichées mes phrases au parlé encré
Elle m’a appris à savourer le présent
Comme pour tout stopper déclinant le Carpe Diem
En lisant
En me lisant
Je l’ai élue
Choisie, elle seule parmi d’eux,
De soi,
D’elle,
Les placards aux draps parfaitement alignés
Les odeurs des mouchoirs lissés par son attention
Elle est, certes
Elle fait, constamment
Elle donne, à se réchauffer
Mais surtout elle force à admirer, le respect, des cantiques qui ont construit ma foi,
En la vie, elle croit
En l’humanité aussi
Avec des yeux d’enfant qui ont un regard de presque cent ans mais qui m’embrasse de naïveté et que je voudrais faire rimer avec l’éternité.
Il y a eu pourtant des bousculades, des bascules dans le temps, des anicroches, des précipités de doutes et sans cesse cette petite voix de fée nichée au fond du corps qui interpelle, caresse, clame sa bonne foi, et sa foi en nous tous, en moi.
Merci à ma mère grande qui m’a fait voir le monde en grand, toujours à moitié plein et surtout en devenir.
C’est en devenant grande que je suis restée ad vitam sa petite, oui, sa petite fille.
 
Anne-Bénédicte Joly
                       
 
 
Très cher passé,
  
    Tu es en moi et je t'étouffe, ou t'étoufferais comme un serpent que j'écrase de mes mains (ou de mes pieds). Je te digèrerais et je renouvellerais ta place en engendrant d'autres serpents à l'intérieur de moi. "Ai-je besoin de ton venin?...........il n'engendre que souffrance et tétanie".
  Je ne veux pas de la profondeur des souvenirs si bien que je passerais du temps pour niveler ces gouffres. Le présent et l'avenir m'intéressent.
  Ô batterie électronique, produit de l' ingénierie de gens que je ne connais pas, j'ai si hâte de t'acheter ; Monde moderne qui ne me force pas à travailler dans des mines. Monde agréable où tout est déjà fait: avions, voitures, trains, vêtements......Ô hamburger de Mc Donald, si bon.
  J'ai si hâte de parfaire mon chef intérieur. J'ai confiance en l'avenir et j'ai plaisir à m'adapter. De plus, le monde me semble si abondant.
  Ma mère morte ne me manque pas car je me suis adapté. Il n'y a que ma mort qui m'intéresse. Je dois être trop jeune pour être nostalgique.
  Les êtres humains sont identiques si bien que je texte d'Albert Cohen est universel. En d'autres termes, "rien à ajouter " sinon que je pourrais mettre mon nom à la place du sien."
 

Romain Husson
 
 
Mon trésor s’appelle Journée. Un jour, elle m’a pris par la main et m’a emmenée : ma sœur, ma mère et moi au Jardin des plantes. On marchait et je découvrais, j’existais enfin. Le moi incompris de ma embrassait la vie. Journée me faisait respirer, j’en oubliais la monotonie de ces week-end à huit-clos
.Je voyais ce qu’était la vie. Aussi extraordinaire que cela me paraissait ce jour là : je t’embrassais Journée comme un trésor sans failles. Comme Noé, je m’apprêtais à embarquer sur l’Arche. Une Nouvelle Alliance sur une terre lointaine qui était pourtant sous mes yeux, cachée. Ces animaux qui maintenant faisaient parler les livres. Journée, je te rêve encore par moment, ta présence me manque.
Emmène-moi encore dans des lieux secrets, voilés et sublimes, Toi qui fait le bonheur, créatrice, exploratrice, Belle du Seigneur, ne te couche pas sur moi, fait de la résistance au soir, continue ton chant : les sons qu’ont porté ta voix étaient agréables et doux. Tes images belles. Tu m’a aimée et comme la bonne mère que tu as été pour moi, tu as compté jusqu’à trois et mes yeux se sont fermés, mon corps abandonné dans tes bras. Voilà.
 
Camille
 
Un rêve confisqué
 
 
Un jour, j’ai résolument pris la tangente. Je ne supportais plus le conformisme scolaire du réel, de l’ici et maintenant. Je survolais la nébuleuse de l’imaginaire. De mon point de vue, l’école était le creuset de la claustrophobie. Je rêvais sans cesse d’une échappée vers la vie intérieure, vers l’irréel, l’au-delà du langage, la poésie ou le théâtre. J’avais pris l’école, ou plutôt, tout ce qui s’y rattachait, en aversion, voire en horreur et je crois que la réciproque était vraie. J’étais une brebis galeuse qui jurait dans le décor politiquement correct, corseté et convenu de ce microcosme de la société. Je fuyais la banalité du mal, les brimades et les humiliations. Je marchais, comme un funambule lunaire, en équilibriste sur le fil ténu de la conscience, en proie à l’empire du doute, craignant sans cesse d’être brisée, d’être jetée plus bas que terre. « Quand on se tait, c’est qu’on accepte » Le martèlement lapidaire de ces mots me réduisait à lui seul, à une victime consentante : j’étais constamment happée par la platitude et la fulgurance des invectives, ramenée sans cesse au plancher des vaches, aux tribulations du quotidien alors que j’aspirais à la diagonale du vide, à l’apesanteur à la délivrance d’un envol vers le céleste Lointain de l’imaginaire. Quel prosaïsme ! Quelle violence intempestive j’ai subie ! Personne n’en serait sorti indemne. Je restais muette murée dans un silence de marbre. J’étais sous une chape de plomb attirée dans un guet-apens, livrée à la vindicte publique comme une bête traquée, effarée, aux abois, à la merci d’une harde de chasseurs et de chiens indolents à la perversité débridée. J’étais ailleurs mais on me le refusait. On me confisquait jusqu’à mon nom. Je voulais m’élever au-dessus de la mêlée, grandir mais on m’intimait l’ordre de déchoir, de précipiter ma chute, de tomber dans l’entresol.
 
 
 
 
Aussi loin que je me souvienne, ces images reviennent toujours, lancinantes, tarauder ma mémoire comme une vague déferlante et pérenne surgie des rivages de l’inconscient. J’ai mis longtemps à mettre des mots sur mon mythe de Peter Pan, à lâcher prise, à déminer mon inconscient, à éradiquer le mal, à libérer la charge, le fardeau invasif de ce passé enfoui en moi comme une traverse, boulet que j’ai traîné en moi, très longtemps, obsession lancinante de ces mots inquisiteurs, de cette violence verbale incisive, de cette hache de guerre insidieuse et intrusive sous ma tempe. En toute naïveté, je pensais : « la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe » mais si justement elle l’atteignait, la balançait, l’expédiait au bord du gouffre, la précipitait dans l’abîme sans béquilles et sans filet. Je ne pouvais en réchapper, pulvérisée, déchirée, réduite en charpie et en lambeaux. Oui j’étais bien dans une arène de non droit où tous les coups étaient permis, sans aucune échappée possible. L’adulte a sauvé l’enfant de la noyade, l’a délivré de son cauchemar et a donné corps à son rêve confisqué. C’est pourquoi je chéris cet enfant que j’étais qui avait eu raison contre tous bien qu’il fût silencieux et muet, cette adolescente, résistante avant l’heure, adepte de l’esquive, qui avait eu le courage de DIRE NON à l’école occupée, de fuir cette forteresse assiégée sans balbutier un mot. Dans un instant de grâce, l’adulte que je suis a enfin accouché des maux de la petite fille, de ce passé qui ne passe pas. Une déflagration a soufflé le barrage qui faisait écran à mes souvenirs d’enfance, qui pétrifiait, retenait l’adolescente et étouffait la petite fille en moi. Ainsi, Ô fulgurance de l’ordre du miracle, je me suis délivrée, tel Prométhée, des chaînes invisibles, des stigmates indélébiles et tenaces du harcèlement trente ans après. Le silence, le mutisme ont fini par avoir raison de la parole prédatrice, harcelante à l’envi, récidiviste, calculatrice, incendiaire qui, telle une tornade, ravage et dévaste tout sur son passage et vous coupe les ailes comme un couperet.
La petite fille muette en moi qui résistait
 
Apolline
 
 
Toi, tu seras la Reine ! dit Marguerite. Choisissant la plus grosse pomme de terre, elle la coiffa de fanes de carottes en guise de bouclettes et la posa délicatement sur un potiron au jaune-orangé éclatant. Toi, tu seras le prince ! Une deuxième pomme de terre, plus petite mais plus longue se vit décoré d’une couronne de fraises rougissantes, elle fut placée au pied du potiron. Vous, vous serez les gardes ! Et saisissant une poignée de toutes petites pommes de terre rondes et brunes, elle les posta soigneusement tout autour du joufflu potiron puis les sous-poudra généreusement de petits pois frais d’un vert tendre. Vous, vous serez les munitions ! Puis elle couru à travers le potager à la recherche de quelques accessoires de verdure pour enrichir la scène. Elle tressa adroitement quelques feuilles de betteraves caramélisées, voilà un dais pour la Reine ! Un gros cornichon dodu, bien vert, un siège pour le Prince ! Rouge, essoufflée mais heureuse, souriante elle s’assit dans l’herbe et admira la scène. Que fais-tu là ? l’interpella la tante Adèle d’une voix peu amène !
Marguerite sursaute, pâlit légèrement. Ben… j’ai arraché les pommes de terre et les carottes comme tu me l’as commandé et j’ai fini !
Alors pour me reposer, je m’amuse un peu ! Je vais te montrer mon théâtre ! Et battant des mains elle s’écria : « Il nous manquait justement un spectateur, assieds-toi là Tantine, à l’ombre du prunier. »
« Madame la Reine », elle fit une profonde révérence, « le prince est revenu de guerre très fatigué », elle fit mine d’enlever un chapeau à plumes pour un large salut. « Gardes, présentez armes ! », elle se redressa vivement et martialement, claqua ses talons nus.
-« Bon, bon, c’est très bien tout ça » maugréa la tante en se levant péniblement, « Et quand vas-tu pincer les gourmands des tomates ? , ramasser les haricots grimpants ? » lança-t-elle l’air blazé. « Mais, Tantine, le spectacle vient juste de commencer ! je ne veux pas être jardinière toute ma vie ! Biner, sarcler, ratisser, arroser, cueillir, goûter, ça d’accord. Je veux inventer des histoires, raconter la magie, jouer dans les spectacles, M’AMUSER.
« Ah ! oui, hum… ça te donnera à manger tout ça ? La vieille femme ferma à demi les yeux et prononça d’un air docte : « Un jardin, c’est une véritable mine d’or si tu t’en occupes bien -et tu en es tout à fait capable- il te rend au centuple tes efforts avec des fruits croquants et juteux, des légumes dodus en abondance. Regarde mon potager ! »
Marguerite dépitée fit la moue, secoua la tête, soupira profondément et à pas lents retourna près de la Reine. Elle la regarda dans les yeux – nouveau soupir - : « Madame la Reine, tu crois que Tantine a raison ? Qu’il faut toujours toujours travailler même quand on est une enfant ? ». Elle perçut un hochement d’approbation. Elle ajouta à mi-voix : « Moi je pense que la tante ne s’est jamais, jamais amusée dans sa vie, c’est pour ça qu’elle est triste et trop souvent de mauvaise humeur ! »
Pendant que la vieille femme courbée grattait dans un plan de radis roses et rebondis, Marguerite s’adressa au Prince. « Et toi, tu as encore envie de jouer, même après la guerre ? »
Elle l’observa avec attention considérant qu’il avait fait un clin d’œil et se sentit brusquement regaillardie, puis consulta la garde qui, alignée et stoïque, attendait les ordres. Juste à ce moment Adèle s’approcha et Marguerite cria feu !, lança petits pois et baies rouges par pleines poignées. « Attention la garde t’attaque ! Elle me défend ! Plus de travail au potager pour aujourd’hui ! » Puis elle entama une danse endiablée entre le tas jaune clair des pommes de terre fraîchement déterrées et les cageots débordant de tomates vermeilles. Elle finit par se jeter sur un épais lit de carottes d’un bel orangé. La tête enfouie dans les légumes odorants, elle huma les senteurs, elle lova son corps dans ce nid de verdure puis s’assit, s ‘étira longuement, bâilla et se mit à jongler joyeusement avec les petites pommes de terre !
« Le potager de tante Adèle est le plus beau du village,
Et la princesse Marguerite le meilleur jardinier,
Pour aujourd’hui j’ai assez travaillé
La cour a décidé que c’est mon jour de congé ! »
 
                                                           Anne
 
 
 
 

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