Gallimard
2010
« Je ne me relie pas, je suis un peu fatigué. »
Moi je te relis, Maurice. En effet, tu n’as pas relu, sinon tu aurais corrigé, changé le e par un s. Mais c’est bien ainsi. Lorsque tu m’écris, nous sommes reliés .Tu n’as commis aucune faute. Cette fois, c’est l’écriture qui nous relie. J’ai appris que c’était un fil plus solide encore que la vie » (p 126)
Ces quelques lignes résument à elles seules l’essence même du magnifique dernier opus d’Eric Fottorino . En effet, dans l’urgence de la mort annoncée de son véritable père, atteint d’une maladie orpheline, l’auteur lui demande de répondre à ses mails : façon comme une autre de le maintenir en vie… Ce père, jamais, il ne l’appellera « papa » non , lui, c’est « Maurice ». Papa, c’était l’autre père, le héros magnifique, haut en couleurs, plein de chaleur de l’homme qui «[ l’]aimait tout bas ». Déjà, l’arrivée de Michel Fottorino dans la vie d’Eric, cette rencontre nous avait beaucoup émus en 2009.
Eric Fottorino s’est longtemps interdit d’aimer son père biologique . Trop l’impression de trahir Michel, le sympathique tunisien . Alors trop facile de mépriser Maurice Maman, gynécologue de profession, qui avait mis tant et tant d’enfants au monde – SAUF LE SIEN - celui qui s’était éloigné vite fait de la (trop) jeune mère .Et comme si cela ne devait pas suffire , n’ était-il pas , ce père-fantôme d’ascendance juive et marocaine ! Alors, ce n’était que normal de ne faire sa connaissance qu’à 17 ans et …vite oublier …
Et …blesser …
Et …blesser encore. Le voir de façon épisodique …
Jusqu’à ce magnifique rendez-vous …Rendez-vous du cœur, de la poésie ( Eric Fottorino nous laisse ici quelques poèmes) et de l’histoire ( vie de Maurice-bien remplie- au Maroc) …Quelques rencontres père-fils aussi , …des coups de fil …une remontée dans le temps avec les questions précises d’Eric et des réponses de Maurice : petit à petit la famille , les grands-parents marocains reprennent vie … : Maurice s’explique sur la difficulté –à jamais, là ou ailleurs, France ou Maroc , d’être juif …
Texte sincère, plus qu’émouvant qui dépouille l’auteur, le met à nu. …Comme cela nous touche ! Oui, ce texte est magnifique. Par ci, par là, des jeux de mots ou jeux de sonorités habillent et construisent une prose extrêmement attachante. A l’heure des départs, le fils Fottorino nous offre une année (2009) et puis l’autre (2010) le portrait et pas seulement le portrait, l’essence et la présence de deux belles personnes : ses pères.