La rentrée…pas la rentrée scolaire, non, l’autre rentrée, la « Rentrée littéraire » !
Phénomène typiquement français, pays où l’écrivain jouit d’un statut inégalable.
J’aime cette période de l’année. Je ne me plains pas du nombre de livres qui paraissent : on a la chance dans notre pays d’avoir des livres, de s’étriper autour des livres…
Dans le catalogue
Une femme fuyant l'annoncede David Grossman
Brut de Dalibor Frioux
Vomito negro de Pavel Hak
Limonov de Emmanuel Carrère
Rouler de Christian Oster
Septembre, mois béni où les bibliothécaires, discutent, échangent autour des livres, loin du « catalogage », de « l’indexation », des « cotes », termes barbares pour les lecteurs mais ô combien importants voire fondamentaux pour certains, certaines !
Après un été chaud, très chaud, en Turquie, où j’ai lu des classiques, sur une liseuse offerte par ma sœur (avec un grand confort de lecture et aucune gêne à lire sur un écran, non rétro éclairé), dès fin août, j’ai commencé à avoir faim des nouveautés de la rentrée.
Lecture des articles sur Grossman, Carrère et autres…Après il faut choisir, entre les incontournables, les auteurs qu’on a le plaisir de retrouver, les découvertes….
Le David Grossman d’abord. Je n’avais jamais lu cet auteur mais il bénéficiait de toute ma sympathie pour ses positions courageuses dans le mouvement « La paix maintenant » qui milite pour la paix entre Israéliens et Palestiniens. Donc je commence à lire « Une femme fuyant l’annonce ». D’emblée je bute sur le prologue de soixante pages. Mais je m’acharne, je vais au-delà. Ora, la narratrice se réjouit : son fils Ofer termine son service militaire. Or le jour même, il rempile pour vingt huit jours, car il veut participer à une opération militaire. Pour fuir la possible annonce de sa mort, Ora quitte sa maison et entreprend avec Avram, son ancien amant, une randonnée en Galilée. Pour maintenir Ofer en vie, elle raconte à Avram, l’enfance d’Ofer.
Peu d’action dans ce roman et à la moitié, je cale et j’éprouve le besoin de lire autre chose. Le dernier Carrère me tente beaucoup. De lui j’avais déjà lu quatre livres et j’avais beaucoup aimé : « D’autres vies que la mienne ». Je n’ai pas lâché le « Limonov ». Le style m’a plu, cru parfois, voire trash, me rappelant Henry Miller. A travers ce personnage réel et sulfureux, Carrère s’interroge sur le monde d’aujourd’hui après la chute du mur de Berlin. Il reprend à son compte les analyses de sa mère Hélène Carrère d’Encausse et il nous livre une vision pertinente de la Russie actuelle. Rendez-vous au café littéraire du samedi 15 octobre où Marianne vous parlera plus en détails de ce livre.
J’attends encore pour revenir au Grossman. J’ai le temps puisque le premier café littéraire a lieu le 24 septembre. Je parle de mes difficultés de lecture à Véronique Mutrel de la librairie La Passerelle. Elle me dit « C’est parce que vous êtes dans l’urgence ». Et oui elle a raison, nous voulons en lire un maximum de livres pour vous satisfaire, chers lecteurs ! Alors évidemment un livre de 660 pages !
Je continue ma pause. Je décide de lire « Brut » de Dalibor Frioux. Le thème m’attirait : le pétrole, la finance et le fait que ce soit de l’anticipation, et puis c’est un premier roman qui est sur la liste de Télérama-France-Culture et ce n’est pas rien. Ecrit comme un thriller, je rentre dedans très facilement. Je suis prise dans l’histoire qui trouve d’étranges résonnances avec notre époque : des élections, une remise en cause de ce qui avait fait le succès du royaume de Norvège qui voulait moraliser ses richesses en créant des fonds éthiques. Las, la réalité reprend le dessus et le philosophe qui gère ces fonds éthiques doit revoir ses choix.
Et puis je reviens au Grossman, essayant de comprendre mon blocage. Il aborde les relations mère-fils : bingo mais c’est bien sûr…et oui vous l’aurez deviné, j’ai un fils, adolescent, plus jeune qu’Ofer mais un jour aussi, ce fils va grandir et quitter sa maman ! Du coup, me voilà repartie toute ragaillardie. Et là, oui effectivement, ce roman aborde, au-delà de l’intime, la guerre, la torture…Il atteint, à travers la situation spécifique d’Israël une universalité.
D’autres lectures : « Rouler » de Christian Oster, un « road movie » en France. Cela se lit d’une traite et c’est très bien écrit.
Et puis une découverte : « Vomito negro » de Pavel Hak, auteur d’Europe centrale ayant choisi d’écrire directement en français. Il a trouvé un style rapide, cru, tout à fait adapté à la violence du monde contemporain. Un frère et une sœur vont se retrouver ballotter des Antilles à Paris dans des milieux à la fois riches et sordides.
La littérature nous donne un regard sur le monde sans nous proposer de solutions. Ce n’est pas le rôle du romancier comme le disait ce matin (lundi 19 septembre) Jonathan Franzen sur France-Culture.
La littérature nous dérange, nous ébranle. Elle n’est pas là pour notre réconfort, pour notre évasion. Elle est le poil à gratter. Certains lecteurs, lectrices se plaignent de nos choix lors du prix du roman du lecteur, les livres sont tristes, plombants…Ils ne sont que le reflet du monde actuel, un monde qui va mal, très mal. La littérature, ce ne sont pas les romans fabriqués où tout se termine bien pour le plus grand confort moral des lectrices. Pardon d’utiliser le féminin, mais il faut bien reconnaître que le lectorat des romans est majoritairement féminin. A vous lecteurs masculins de romans de démentir ces faits en venant nombreux à notre prochain café littéraire le 24 septembre à 10h30 à la médiathèque Anne Fontaine !
Une rentrée littéraire 2011 par Mediapart
Mots-clés Rentrée littéraire 2011, roman