Le Berlin des arts et de la création

rencontre avec Myriam Allasino, Berlinoise de coeur

C’est sous le signe de l’amitié franco-allemande, dans le cadre du 50e anniversaire du jumelage avec Reinickendorf, que nous avions le plaisir d’accueillir à la médiathèque Anne Fontaine Myriam Allasino, journaliste et guide, installée depuis 2008 à Berlin.

Mireille Grosjean, responsable du jumelage a introduit cette conférence, nous rappelant l’histoire riche en réalisations et en liens amicaux entre notre ville d’Antony et ce quartier verdoyant de Berlin. Parmi l’auditoire attentif, quelques hochements de tête et sourires ont ponctué son discours…

Puis Myriam Allasino nous a embarqués pour une visite thématique passionnante du Berlin des arts et de la création. Un rappel historique clair et concis nous a servi de fil d’Ariane pour nous guider dans ce labyrinthe de reconstructions et d’explosion créatrice caractérisant cette ville toujours en mouvement.


L’espace, facteur de créativité

Mais avant toute chose, elle nous a offert des échelles de grandeur significatives, Berlin ne faisant pas moins de 8 fois la superficie de Paris ! Avec d’immenses terrains en friche qu’il a fallu aménager après la chute du Mur. Et pour illustrer son propos, elle a évoqué avec beaucoup d’enthousiasme le quartier de Kreuzberg, dans lequel elle vit, et son Prinzessingarten (jardin des princesses dont la particularité est d’être un jardin communautaire, réalisé avec des matériaux de récup, hors sol et susceptible de pouvoir déménager). Beaucoup de verdure, une vie plus paisible, le vélo plutôt que la voiture, cette franco-allemande hyperactive a trouvé là-bas son petit coin de paradis.

Prinzessingarten

De l’espace, le RAW Gelände n’en manque pas ! Cet îlot artistique qui a abrité de nombreux squats et campements temporaires dans les années 90 est situé dans l’ancien Berlin-Est, à Friedrichshain, quartier emblématique de la contre-culture berlinoise. C’est l’un des lieux préférés des street-artistes, graffeurs et autres tagueurs mais également des musiciens et des artistes du nouveau cirque… Ancien site ferroviaire, grand comme 14 terrains de football, il permet aux jeunes artistes de s’exprimer librement et d’expérimenter de nouvelles voix de création.

RAW Gelände


Effervescence architecturale

Après la chute du Mur, de nombreux architectes vont être sollicités pour redorer le blason de la ville redevenue capitale et symbole de l’Allemagne réunifiée.

Les institutions politiques sont restaurées ou construites par des architectes célèbres venus des quatre coins du monde.
Le Reichstag, à l’abandon depuis l’édification du Mur (une partie se trouvant à l’Est et l’autre à l’Ouest), déjà restauré par l’architecte Paul Baumgarten entre 1961 et 1973 est rénové par Sir Norman Foster, la coupole transformée en une magnifique structure de verre. En 1999, les députés y siègeront à nouveau officiellement.

Reichstag

La nouvelle Chancellerie fédérale, ensemble architectural spectaculaire où domine la transparence, est l’œuvre des architectes berlinois Axel Schultes, Charlotte Frank et Christoph Witt. Il fut réalisé entre 1995 et 2001.
L’ambassade des Pays-Bas a été conçue par Rem Koolhaas et OMA en 1997 et celle de Grande Bretagne par le bureau d'architectes anglais Michael Wilford & Partners, Hartford, East Sussex/UK entre 1998 et 2000. L’ambassade France est l’œuvre de Christian de Portzamparc.

Chancellerie fédérale

Institutions économiques

A la chute du Mur, Berlin est une ville pauvre comparée à Bonn, capitale de la RFA jusqu’en 1990. Comment faire revenir les investisseurs ?
Une idée va faire son chemin : découper l’immense Postdamerplatz en lots qui seront vendus à bas prix pour inciter les grandes entreprises à s’y installer tout en participant à la reconstruction du quartier. Les architectes Hilmer und Sattler remportèrent le concours pour l'aménagement de la place. Les Services de l'urbanisme de Berlin invitèrent les trois principaux investisseurs Sony, Daimler et ABB à mettre en œuvre le plan directeur.


La culture période Est/Ouest

La concurrence entre l’Est et l’Ouest à l’époque de la guerre froide contribue à la richesse des lieux culturels à Berlin : quatre opéras, huit grands orchestres symphoniques, de nombreuses salles de concert, théâtres, boîtes de nuit, cabarets, scènes underground, spectacles de rue…

Le forum de la culture fut conçu de manière à devenir le centre culturel de Berlin-Ouest, constituant ainsi un pendant à l'Île aux musées, qui se trouve dans Berlin-Est. La Neue Nationalgalerie, construite par Ludwig Mies van der Rohe et inaugurée en 1968, abrite l’une des plus prestigieuses collections d’art moderne du XXͤe siècle.

L’une des salles de concert emblématiques est la Philharmonie de Berlin, à l’architecture lumineuse et grandiose avec une acoustique exceptionnelle.
Tristan, de l’espace Musique et Cinéma, évoque ce lieu mythique, riche en histoires musicales et politiques. Parmi les chefs d’orchestre célèbres de la Philharmonie, se distinguent deux figures incontournables aux destins opposés : tragique pour Wilhelm Furtwängler et triomphant pour Herbert von Karajan.
J’ai une préférence marquée pour Furtwängler, ses interprétations incomparables et son respect des musiciens, respect dont faisait parfois fi Karajan. Bien qu’élu démocratiquement, comme les autres chefs de la Philharmonie, par les musiciens de l’orchestre, il exige d’être élu à vie. Sa direction « parfaite », ses musiciens « parfaits », plus solistes que musiciens d’orchestre, n’ont pas la faculté de m’émouvoir autant…

Tristan reprend le flambeau pour nous parler de la société de disques Deutsche Grammophon, réputée pour la qualité de ses enregistrements tant sur le plan musical que sur le plan technique. Le label regorge de trésors discographiques et, par son exigence, Karajan contribuera au perfectionnement technique des enregistrements. Non sans un certain humour, Tristan attire notre attention sur les enregistrements récents dont les pochettes « glamour » avec leur photo d’interprètes plus beaux les uns que les autres, ne reflètent pas toujours la qualité de l’interprétation !


La contre-culture à l’Ouest

Vers la fin des années 70, des dizaines de milliers de jeunes Allemands, pacifistes, de gauche, écologistes, punks, prirent la direction de Berlin en général et de Kreuzberg en particulier, quartier en état de décrépitude avancé, délaissé par les promoteurs immobiliers car cerné sur trois côtés par le Mur. En cause, un décret dispensant de service militaire les jeunes habitants de Berlin-Ouest. Berlin devient la ville la plus jeune de l’Allemagne.

Elle attire de nombreux artistes étrangers : David Bowie et Iggy Pop y séjournent de 1976 à 1977. Avec des yeux pétillants, Tristan nous montre une des raretés de notre fonds de disques vinyle : la « trilogie Berlinoise » de David Bowie Portrait of a star.

A la fin des années 80, Berlin devient l’un des centres de la techno et de l’électro avec des clubs comme le Trésor et le Berghain, installés dans d’anciennes usines ou entrepôts.
Musique urbaine, révoltée, revendicatrice, elle incarne une certaine jeunesse berlinoise pleine d’espoir à la chute du Mur mais aussi de désillusion.

Club Le Trésor


Les arts plastiques

Les années 90 voient une explosion créatrice dans le domaine de l’art contemporain. Le faible coût des loyers et la richesse culturelle de la ville attirent les artistes étrangers, suscitant une émulation particulièrement fructueuse.

Le Kunst-Werke (Institut d’art contemporain) avec sa Biennale est l’un des lieux incontournables tant pour les amateurs que pour les professionnels.

La surface de 13 000 m2 du Hamburger Bhanhof, ancienne gare désaffectée, est idéale pour exposer les collections permanentes d’art contemporain de la Nationalgalerie. Verrières lumineuse et hauts plafonds mettent les œuvres en valeur.


Hamburger Bahnhof

Le Bunker Boros. Ancien abri anti-aérien, le bunker se retrouve à l’Est à la fin de la guerre. Reconverti en prison puis en entrepôt pour fruits et légumes, il devient une scène techno très animée après la chute du Mur. En 2003, Christian Boros le rachète et demande à des artistes comme Damien Hirst, Olafur Eliasson, Wolfgang Tillmans, Anselm Reyle ou Cosima van Bonin d’adapter leurs œuvres aux particularités architecturales du lieu.

L’œuvre d’Olafur Eliasson est représentative de cette attirance pour Berlin dont font preuve nombre d’artistes étrangers. Né au Danemark en 1967, de parents islandais, il s’établi à Berlin en 1995. Son studio compte actuellement plus de 80 personnes, la pluridisciplinarité et les origines diverses des artistes apportant une grande richesse au niveau de la création. C’est aussi un homme engagé politiquement dans la préservation de la nature à laquelle il est sensible depuis son enfance passée en Islande.

IceWatch d’Olafur Eliasson : Morceaux d’iceberg venus d’Islande, Place du Panthéon pendant la Cop 21

Quant aux street-artistes, indissociables de l’histoire de la ville, ils auront bientôt leur musée. L’ouverture est prévue pour mi-2017 dans le quartier de Schöneberg.

Une oeuvre de BLU aujourd’hui recouverte de peinture noire… par BLU


La mode à Berlin

Si Berlin attire aussi les grands couturiers, Myriam, sortant des sentiers battus de la mode nous a parlé des boutiques du quartier de Neukölln, connues pour leur créativité et qui pratiquent des prix abordables… Séance shopping en perspective…

Vous l’aurez compris, après une telle conférence, je ne devais pas être la seule à désirer visiter la ville en compagnie de Myriam Allasino. Merci Myriam et à bientôt Berlin !

Conseils de lecture choisis dans la brochure rédigée pour les 50 ans du jumelage
Berlin : fragments d’une histoire allemande de Raymond
Depardon, photographe-reporter de renom. Berlinoise de Wilfried N’Sondé, véritable hymne à Berlin, roman lyrique sur l’effervescence artistique de la jeunesse à la chute du Mur.
Berlin, l’autre guide par Elodie Benchereau





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