Kampuchéa

Patrick Deville

Seuil
2011

Le narrateur de Kampuchéa nous emmène en voyage au cœur de l’Extrême-Orient. Nous descendons avec lui les rives du fleuve Mékong. Mais surprise : il n’est pas question d’une évocation historique qui suivrait la carte fluviale mais de grands éclairages imprévisibles sur des épisodes et des héros  qui ont fait l’histoire du Cambodge, de la Thaïlande, du Vietnam, du Laos et de la Chine. C’est un parcours dense et fascinant, construit en chapitres très courts, dans un style vivant dont l’auteur, passionné et très bien documenté, sait admirablement nous rendre captifs.

Ouverture sur le procès de Douch et des Khmers rouges

Le point de départ sera Phnom Penh en 2009 où notre voyageur se rend à l’occasion du premier procès des Khmers rouges, celui de Douch. Souvenez-vous : avril 1975, 12 jours et 22 heures après la fin de la guerre du Vietnam, on annonce la victoire des Khmers rouges au Cambodge et l’arrivée au pouvoir de Pol Pot. En 24 heures un monde s’efface, le règne de l’Angkar est arrivé, celui qui doit libérer le peuple de la ville considérée comme creuset du capitalisme réactionnaire, de l’imprimé, de l’argent, en un mot éliminer tout ce qui pourrait évoquer l’Occident. Le Kampuchéa démocratique est né qui de 1975 à 1978 fit régner au Cambodge l’idéologie totalitaire avec sa cohorte d’exécutions, de purges, de travaux forcés. Douch, alors directeur du centre de torture S21, fut l’un de ces tortionnaires tristement célèbres tandis que Pol Pot disparaîtra dans la jungle thaïlandaise en 1979.

Retour sur l’histoire coloniale française

Chapitre suivant : à l’occasion de ce procès des crimes du passé communiste, Patrick Deville sent l’impérieuse nécessité de revenir sur l’histoire coloniale française.

Pour compléter
Cambodge, année zéro de François Ponchaud
Jeunesse brisée de Sathavy Kim
S-21 ou le crime impuni des Khmers rouges
de David Chandler
Le silence du bourreau de François Bizot
S21 la machine de mort khmere rouge
de Rithy Panh 

 Nous remontons le temps et le fleuve Mékong à contre courant, lui à bord d’un bateau loué et nous, pour notre plus grand plaisir, en faisant travailler notre imagination : 1860, Henri Mouhot, chasseur de papillons et botaniste, embarque en Asie avec des fonds anglais et découvre, le premier, la magie des temples d’Angkor, symbole de la puissance des Cambodgiens d’autrefois : magie des lieux, symbiose de la nature et de la pierre. La suite ce sera la parution de son journal « Le mythe d’Angkor » suivi de peu par le débarquement de la en Cochinchine en 1862.

Après lui, quelques aventuriers solitaires retournerons au Cambodge, comme Pavie et Mayrena, tous plus ou moins mégalos, tous marqués par le fleuve Mékong, tous fous d’Orient.

Près d’un siècle plus tard, tandis que la débâcle dans la cuvette de Dien Bien Phu, en 1954, signe la fin de la 1ère guerre d’Indochine, Norodom Sihanouk en voulant neutraliser les jeunes intellectuels de gauche les pousse à prendre le maquis et c’est à Paris, à la Sorbonne qu’ils viennent faire leurs études : c’est eux qui formeront l’Angkar qui n’est autre que le parti communiste cambodgien. 

D’autres figures sont évoquées qui réussiront à ouvrir de nouvelles routes vers la Chine et le Laos,  d’autres guerres frapperont cette partie du monde et si, comme dit l’auteur, « de Mouhot aux Khmers rouges, c’est une histoire brève », remercions Patrick Deville de nous l’avoir transmise en embarquant avec lui, de façon très originale, grâce à ce exaltant.

Retrouvez ce roman dans les médiathèques d'Antony


Kampuchéa - Patrick Deville par EditionsduSeuil
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